GC Magazine n°11 | Octobre 2017
- Les systèmes actifs (échangeur + pompe à chaleur eau/eau) sont uniquement destinés aux grands logements collectifs et aux bâtiments tertiaires.
- Les systèmes passifs (échangeur seul) sont principalement destinés à la maison.

L’industriel français Solaronics Chauffage fabrique et commercialise depuis février 2016 dans l’Hexagone une pompe à chaleur d’une puissance de 20 kW ou 40 kW destinée à la production d’ECS dans le collectif qui booste son coefficient de performance (COP) à la chaleur des eaux usées. Baptisée PAC Facteur 7, elle se nourrit des calories de nos douches grâce à un échangeur à plaques à contre-courant breveté, qui se situe après la cuve des eaux grises. Les eaux grises étant filtrées avant d’être stockées, l’échangeur fonctionne donc indépendamment de toute eau chargée et le COP du système tend ainsi en permanence, comme son nom le suggère, vers 7. « Disposant d’un Titre V, la PAC Facteur 7 couvre 100 % de la production d’ECS sans appoint. L’eau chaude générée est stockée à 58 °C dans des ballons qui contribuent par la suite à alimenter la boucle d’eau chaude du bâtiment. La performance de la PAC Facteur 7 permet un gain en Cep de 30 % par rapport aux autres systèmes actifs du même type, ce qui induit un gain significatif en termes d’économies de charge, à hauteur de 60 % », assure Damien Troyon, ingénieur commercial chez Solaronics Chauffage.
Mais de quelle quantité d’eaux usées a-t-elle besoin pour s’alimenter ? « Notre solution est adaptée aux bâtiments de plus de 40 logements. En effet, un immeuble de cette taille présente un besoin minimum en eau chaude de 3 600 litres par jour. En dessous de cette consommation journalière, le système ne permet pas de maximiser la récupération d’énergie », précise Damien Troyon, avant d’ajouter que « deux PAC sont nécessaires lorsqu’un immeuble comprend entre 60 à 150 logements ». Six installations (dont une dans une tour de 18 étages de La Défense) sont en service, monitorées et maintenues par Solaronics Chauffage et dix autres projets sont d’ores et déjà engagés pour 2018.
Pour accélérer sa conquête du marché, l’équipe R&D du fabricant travaillent également sur le développement d’une version « Gaz ». Composée d’une PAC eau/ eau avec un moteur à gaz double service, elle assurera non plus seulement la production d’ECS, mais également le chauffage du bâtiment. «La PAC Facteur 7 Gaz se veut une alternative aux chaudières collectives à gaz », souligne Damien Troyon qui ambitionne d’installer plus de 50 PAC dans les trois années à venir. Mais ce dernier n’est pas le seul à vouloir bousculer le marché français de la récupération de chaleur sur les eaux usées de nos machines à laver.
Autre acteur hexagonal de la valorisation des eaux usées, la société Biofluides Environnement propose depuis mars 2010 une solution active de récupération de chaleur des eaux usées bénéficiant également d’un Titre , qui repose, non pas sur un échangeur à plaques comme pour la PAC Facteur 7, mais sur une cuve d’échange thermique dans laquelle circulent des eaux grises. L’ensemble forme un CET collectif au COP oscillant entre 4 et 4,5 tout l’année complétée par une chaudière qui rattrape la chute de température entre le départ et le retour de la boucle ECS. 72 installations ERS (dont 6 aux Luxembourg) sont implantées dans des immeubles allant de 40 à 224 logements. Et Alain Mouré, fondateur et DG de l’entreprise, souhaite tripler son parc d’installations dans les trois ans qui viennent. Pour cela, au-delà de son partenariat avec France Air côté distribution, il mise sur la miniaturisation et a lancé ce mois-ci un système où l’échangeur et la PAC seront désormais dans un même bloc d’1m 60 de large, 70 cm de profondeur et 1 m 80 de hauteur. « Cet équipement compact sera destiné aux bâtiments de 15 à 40 logements maximum. Le but est d’avoir des temps de retours sur investissement plus courts, de l’ordre de 7 à 10 ans, contre 15 à 20 ans actuellement sur ce type de bâtiment », remarque Alain Mouré, père du système ERS.
Éligible au Fonds Chaleur
Mais ce gisement de chaleur est encore, d’une façon générale, trop peu exploité. Bien qu’éligibles au Fonds Chaleur de l’Ademe et aux CEE, Damien Troyon espère que les systèmes de valorisation des eaux grises auront bientôt plus de considération.
«Le label E+C-, qui préfigure la prochaine réglementation thermique, pousse à des solutions plus autonomes. On peut envisager que des panneaux photovoltaïques alimentent la PAC Facteur 7, ce qui permettrait encore de maximiser les économies sur le poste ECS », développe Damien Troyon, ingénieur commercial chez Solaronics Chauffage, avant d’ajouter: « Aujourd’hui avec une chaufferie gaz, on atteint certes les objectifs de consommation de la RT 2012. Mais si demain l’État abaisse la consommation maximale, cela va devenir plus compliqué. Alors qu’une technologie comme la PAC Facteur 7 est d’ores et déjà capable d’aller vers les niveaux 3 ou 4 du label E+C-. De surcroît, avec la loi sur l’autoconsommation photovoltaïque, il faudra mettre en place des solutions de comptage d’énergie qui sont déjà pris en compte par notre équipement puisque nous sommes capables de fournir en temps réel la quantité de m³ d’ECS produite par kWh électrique consommée ».
Les eaux grises jouent collectif, mais pas que
Si les systèmes actifs comme ceux proposés par Biofluides ou Solaronics jouent dans la cour des grands bâtiments, les systèmes passifs ciblent, eux, les maisons ou les petits logements collectifs.
Le système passif Obox, distribué par EH Tech, repose sur un échangeur à plaques fabriqué en Suède. Installé en sortie de douche, le boîtier Obox récupère deux tiers de la chaleur fatale des eaux grises afin de préchauffer l’eau qui sera envoyée vers le chauffe-eau. « Obox engendre 63 % d’économies sur la production électrique du ballon d’ECS, qui sert alors quasiment uniquement d’appoint », souligne Hugo Durou, président d’EH Tech et de la jeune association promouvant le chauffage aux eaux usées en France ValorEU. À fin septembre, 250 maisons en France sont dotées d’un Obox. « Nous enregistrons une augmentation des ventes de l’ordre 20 % et une augmentation de notre CA de + 30 % par an. D’ici trois ans, nous espérons être au-delà des 1 000 installations grâce à un contrat de licence que nous avons signé avec Atlantic en 2015. En commercialisant nos produits, Atlantic va démocratiser notre solution. Nous travaillons également avec eux pour adapter Obox sur un système de préparation d’’ECS afin d’avoir un système tout-en-un, qui sera mis sur le marché en 2018 », nous indique Hugo Durou.
Le Power Pipe, distribué par le vendéen Norellagg, est lui un échangeur cylindrique en cuivre fabriqué au Canada qui entoure la canalisation d’évacuation. Arrivé en 2005 dans l’Hexagone, 500 logements collectifs et 800 maisons en sont équipés. « Au bout d’une minute, l’eau froide va se réchauffer et soulager ainsi la production du ballon d’ECS », explique Maud Galleron, responsable technique chez Norellagg, avant de préciser que « son efficacité croît si les habitants prennent leur douche lorsqu’il lance une machine ». Mais Christian Cardonnel, fondateur du BET éponyme qui s’est plongé dans le sujet il y a déjà plusieurs années, reste prudent vis-à-vis de la récupération individuelle sur une douche. «La douche, c’est 6 à 10 litres/minute d’eau grise à 32/35 °C durant cinq à dix minutes. Un potentiel énergétique important (1 à 3 kWh/douche) mais très ponctuel et qui nécessite un échangeur très efficace avec un fort coefficient de transfert, plus important que celui d’une chaudière murale gaz. Il faut donc aboutir à un équipement compact, robuste et économique pour être efficient. Selon moi, il vaut mieux mutualiser la récupération de chaleur en l’associant éventuellement à un équipement thermodynamique ».
Pas de quoi amoindrir l’optimisme d’Hugo Durou, président de ValorEU. « Fini le côté exotique de la récupération de chaleur où les particuliers attendaient des retours d’expérience pour sauter le pas. Aujourd’hui, la plupart des CMIstes en ont installé, donc il y a moins d’interrogations sur le concept. Nous sommes toujours cependant très dépendants de la RT 2012 car la majorité des installations se fait dans le neuf. La loi de la transition énergétique pour la croissance verte a institué une équivalence entre ENR et énergie fatale. Nous sommes reconnus comme une ENR mais “l’équivalence ” doit être encore transcrite dans la réglementation thermique et une fiche CEE, déjà validée par l’Association Technique Energie Environnement (ATÉE), doit sortir dans les mois à venir. Nous sommes donc optimistes pour l’obtention d’un crédit d’impôt car même si nous restons de petits acteurs, ce gisement inexploité suscite beaucoup d’intérêt ».